Message d’attention sur le fichier FINIADA

EXTRAIT DE CHASSONS.COM

Le FINIADA : l’épée de Damoclès contre les chasseurs

le 25 avril 2022

La politique de modernisation numérique de l’État, l’obligation de transposer complètement la directive européenne (UE) 2017/853 sur les armes du 17 mai 2017 et l’obsolescence de l’application dénommée AGRIPPA ont conduit à la création d’un nouveau système d’information sur les armes (SIA). Ainsi, le décret n° 2022-144 du 8 février 2022 contraint tout détenteur d’armes (chasseurs, tireurs sportifs, collectionneurs…), de munitions ou de leurs éléments à créer son compte individualisé dans le SIA.

Ce SIA doit permettre une meilleure traçabilité des armes détenues notamment par les chasseurs et les tireurs sportifs. En parallèle de la mise en place du SIA, le fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA) constitue l’outil efficace de suivi, au niveau national, des interdictions d’acquisition et de détention des armes. Le FINIADA a pu faire l’objet d’un renforcement au titre de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure qui vient notamment étendre la liste des infractions donnant lieu à inscription au FINIADA, instaurer une interconnexion entre ce fichier et le casier judiciaire national automatisé (Article L312-16-1 du code de sécurité intérieure) et prévoir la possibilité de saisie administrative des armes dans le cadre des ordonnances de protections (Article 515-11 du code civil). Il apparaît donc important de rappeler au plus grand nombre l’existence de ce fichier FINIADA ainsi que le fait qu’il ne s’adresse pas uniquement aux grands criminels.

Qu’est-ce que le FINIADA ?
Mis en œuvre par le ministère de l’Intérieur, le FINIADA a pour finalité la mise en œuvre et le suivi, au niveau national, des interdictions d’acquisition et de détention des armes. Ce fichier a connu, de manière récente, une extension conduisant à une augmentation exponentielle du nombre d’inscrits, notamment chez les chasseurs.Selon le ministère de l’Intérieur, 100 000 personnes sont inscrites à ce fichier FINIADA, un nombre qui augmente considérablement avec environ 20.000 noms à ajouter chaque année depuis au moins 4 ans (Dossier de presse de présentation du nouveau système français d’information sur les armes). Outre l’obligation de se dessaisir de leurs armes, l’inscription au FINIADA a également pour conséquence de conduire au retrait de la validation du permis de chasse et/ou au retrait de la licence de tir, interdisant de facto à l’intéressé l’exercice de sa passation jusqu’à sa radiation du fichier ce qui peut prendre plusieurs années. Il s’agit donc d’un enjeu majeur dont le SIA permettra d’améliorer le rendement des nouvelles inscriptions.

S’agissant des causes d’une inscription au FINIADA :

En premier lieu, en vertu de l’article L.312-3, 1° du code de sécurité intérieure (CSI), le Préfet ordonne automatiquement l’inscription au FINIADA de toute personne portant au bulletin n°2 de son casier judiciaire une des condamnations listées par ledit article. La plupart des crimes ou délits, listés par l’article L312-3, 1° du CSI, prêtent peu à débat (meurtre, tortures et actes de barbarie, viol et agressions sexuelles, enlèvement et séquestration, actes de terrorisme…). Toutefois, d’autres délits sont plus sujets à questionnement, il en va ainsi notamment pour :

  • Tout type de vol prévus aux articles 311-1 à 311-11 du code pénal, et même si celui-ci n’est pas accompagné ou suivi de violence, exercé sur une personne vulnérable, ou commis en bande organisée. A cet effet, la première infraction, mentionnée à l’article L311-1 du CSI, est la soustraction frauduleuse d’énergie au préjudice d’autrui (par exemple, se brancher sur le compteur de son voisin). De même, une personne ayant été sanctionnée pour avoir volé dans un magasin un objet sera également inscrite au FINIADA.
  • Le blanchiment ou le concours à un blanchiment, visé aux articles 324-1 à 324-6-1 du code pénal, qui consiste en l’introduction du produit d’une infraction dans l’économie légale pour en dissimuler l’origine.

Ce faisant, le blanchiment de fraude fiscale qui consiste en la réintroduction dans le circuit économique de l’argent dissimulé aux services fiscaux fait partie des infractions conduisant à une inscription automatique au FINIADA. A titre d’illustration, le fait de ne pas déclarer certains revenus, tels que des espèces, peut être assimilé à du blanchiment d’argent. De même, des comptables, des avocats fiscalistes ou des gestionnaires de patrimoine qui n’auraient pas contrôlé la provenance de l’intégralité des fonds pour lesquels ils apportent leurs concours au placement ou le simple fait pour un commerçant d’accepter des fonds ayant échappés aux services fiscaux pourront voir leur responsabilité recherchée, et en cas de condamnation, être inscrit au FINIADA. Une particulière attention devra donc être portée à tous les détenteurs d’armes qui feront l’objet d’un contrôle fiscal.

  • Le fait d’acquérir, de céder ou de détenir des armes ou des éléments d’armes de catégorie C ou de leurs munitions sans les avoir préalablement déclarées. La non déclaration d’armes est donc également une infraction entrainant une inscription automatique au FINIADA.
  • Toutes violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (Article 222-11 du code pénal).

Les huit jours d’ITT étant facilement admis par n’importe quel médecin, il est fortement conseillé à tout détenteur d’armes de ne jamais se battre ou de frapper qui que ce soit et peu importe la raison (que cela se produise dans le cadre d’une ambiance alcoolisée, ou à la suite d’une provocation quelconque). De même, et sans qu’il soit besoin d’y avoir huit jours d’ITT, toute violence ou menace de violence (par exemple une claque) à l’encontre de son conjoint ou d’un mineur de moins de 15 ans ou d’un ascendant ou descendant, entraînera une inscription au FINIADA. Il est donc loin le temps où la gifle du Candidat François Bayrou en 2002, à l’encontre d’un mineur de 11 ans en train de lui faire les poches, pouvait être encensé par l’opinion publique. Aujourd’hui, si le mineur avait porté plainte, Monsieur François Bayrou en tant que chasseur et détenteur d’armes, aurait été inscrit au FINIADA.

  • La récidive de destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui ou le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain constituent également des infractions emportant l’inscription au FINIADA. La détérioration d’un rétroviseur, le fait de cabosser la voiture d’autrui ou des tags sur un mur peut donc suffire à qualifier l’infraction.
  • Il peut également être citées l’infraction de harcèlement moral ou l’entrave à l’exercice des libertés d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation

En conséquence, il est bien compris, et même si le propos n’est pas de justifier ou d’excuser le fait de commettre une infraction, il y a une décorrélation entre la violence ou et la dangerosité putative d’une personne et l’interdiction de disposer d’une arme à feu pour le tir sportif ou la chasse. De même, il est important de préciser que la seule mention, dans son casier judiciaire, d’une des condamnations, définies par l’article L312-3 du CSI, suffit à entrainer une inscription au FINIADA, et ce peu important que l’auteur des faits ait pu faire l’objet d’une condamnation légère.

En second lieu, en vertu de l’article L.312-3-1 du code de sécurité intérieure, le Préfet peut discrétionnairement et préventivement, sans la justification d’une quelconque condamnation, interdire l’acquisition ou la détention d’armes « aux personnes donc le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui ».

A la différence de l’inscription automatique prévue par l’article L312-1 1° qui nécessite une condamnation inscrite au casier judiciaire, l’article L312-3-1 du CSI permet au Préfet d’engager une procédure d’inscription au FINIADA sur la base de simples soupçons. A cet égard, le large pouvoir d’appréciation conféré à l’administration par l’article L.312-3-1 du code de sécurité intérieure révèle des surprises à l’égard des intéressés sans passé judiciaire, pouvant éveiller a priori d’éventuelles réserves.

Un certain nombre de personnes condamnées pour des contraventions au code de la routeou des faits divers parfois très anciens sans aucun lien avec l’utilisation d’une arme à feu, ont eu la surprise de recevoir, souvent à l’occasion de la déclaration de l’acquisition d’une nouvelle arme en Préfecture, qui faisait l’objet d’une inscription au fichier et qu’il leur a été enjoint de se dessaisir de leurs armes dans un délai de trois mois. De même, le simple rappel à la loi pour l’usage de stupéfiants (cannabis, MDMA…) même dans un cadre festif, entraine souvent une procédure d’inscription au FINIADA.

L’inscription au FINIADA a également pour conséquence de conduire au retrait de la validation du permis de chasse et de lui interdire l’exercice de sa passation jusqu’à sa radiation du fichier ce qui peut prendre plusieurs années. Ces personnes se retrouvent dans une situation kafkaïenne en devant démontrer qu’ils ne sont pas des personnes dangereuses à une Administration qui pourrait faire la sourde oreille. Certes, il serait, d’une part, difficile de considérer qu’il soit recommandable de conduire avec un taux d’alcool dans le sang de 0,5 grammes (g) par litre, de s’être battu avec une personne il y a 15 ans ou encore de fumer du cannabis, et d’autre part, de nier que toute infraction avérée nécessite d’être sanctionnée.

Toutefois, il apparaît, pour le moins délicat, de considérer que la culture hygiéniste de l’Administration consistant à mettre, sans distinction, au pilori toutes personnes ayant eu un accident de parcours dans le passé, puisse être une solution respectueuse des droits fondamentaux. Ainsi, s’agissant d’une inscription au FINIADA, il importe uniquement de déterminer si le comportement passé d’une personne peut légitiment laisser présumer qu’il pourrait user de son arme de manière dangereuse pour lui-même ou pour autrui.

S’agissant des voies et délais de recours :

Il est donc souligné que les détenteurs d’armes (chasseurs et tireurs sportifs), qui se retrouvent inscrits au FINIADA, sont en mesure de se défendre s’ils considèrent, en conscience, qu’ils font l’objet d’un traitement injuste.

En premier lieu, l’inscription au FINIADA en application de l’article L312-3 du CSI est automatique.

Autrement posé, le Préfet se trouve en situation de compétence liée. En effet, dès lors qu’un acquéreur ou un détenteur d’armes fait l’objet d’une inscription au bulletin n°2 d’une des condamnations prévues à l’article L312-3 du CSI, l’autorité administrative n’a pas d’autres choix que d’ordonner le dessaisissement des armes (CAA Paris, 27 Novembre 2018, n° 18PA00040 et CAA Marseille, 22 Juin 2020, n° 18MA00945). Il n’y a donc pas d’intérêt à contester la décision prise par le Préfet.

Toutefois, il est précisé qu’il est possible d’agir de manière préventive. En effet, dès lors qu’un détenteur d’arme se retrouve impliqué dans une procédure devant le Juge pénal, il pourra lui être conseillé de solliciter du Juge la non inscription de la peine au casier judiciaire. Par ailleurs, et dès lors que l’inscription d’une des peines mentionnées à l’article L312-3 du CSI a été mentionné à son casier judiciaire, il lui sera toujours possible de solliciter du Procureur de la République un effacement de son casier judiciaire et, en cas d’issue favorable, de solliciter du Préfet sa désinscription du FINIADA. En second lieu, et dans la mesure où l’intéressé, bien qu’ayant un casier judiciaire vierge, ferait l’objet d’une procédure dessaisissement en application de l’article L312-3-1 du CSI, il lui sera possible d’introduire un recours.

En effet, il est important de savoir que la décision du préfet d’inscrire toute personne au fichier est un acte administratif qui demeure contestable devant le tribunal administratif compétent. En conséquence, dès réception d’une lettre de la préfecture l’informant qu’une procédure de dessaisissement est en cours, le détenteur d’une arme (chasseur ou tireur sportif) doit produire, sans délai, des observations écrites.

Ensuite, dès réception de la décision du préfet l’inscrivant au FINIADA (par arrêté préfectoral), l’intéressé est en mesure de contester cette décision dans un délai de deux mois au moyen :

  • Préalablement, d’un recours gracieux directement adressé au préfet ou hiérarchique devant le ministère de l’Intérieur, ce qui aura pour effet d’interrompre les délais de recours contentieux.

L’absence de réponse de la part de l’Administration dans un délai deux mois à partir de la date de réception du recours, vaut rejet de la demande. L’’intéressé dispose alors, pour former un recours devant le juge administratif, d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient avant l’expiration de cette période, c’est la date de réception de cette décision explicite qui fera partir le délai de recours contentieux.

  • Directement, d’un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif compétent.
  • Parallèlement à l’introduction d’un recours en annulation de la décision, le juge administratif des référés peut être saisi d’une requête en suspension, voire d’un référé liberté.

Par ailleurs, et même si le délai de contestation de deux mois aurait expiré, il sera toujours possible d’en demander l’abrogation pour l’avenir (c’est-à-dire avec un effet non rétroactif). Toutefois, dans ce cas précis, le détenteur d’une arme (chasseur ou tireur sportif) devra cependant obéir à l’injonction de dessaisissement de ses armes et de déclaration de ces cessions en préfecture (au risque que l’Administration considère celui-ci comme toujours dépositaire de ses armes et donc en infraction avec l’arrêté préfectoral).

Signalons qu’il est fortement conseillé aux justiciables de faire appel à un professionnel du droit afin d’éviter toute objection d’irrecevabilité ou d’inopérance de leur recours.

En conclusion, la législation actuelle et les moyens mis en œuvre par l’Etat pour contrôler l’acquisition et la détention des armes à feu s’avère de plus en plus stricte. Il est ainsi fort étonnant de constater que beaucoup de chasseurs et de tireurs sportifs vivent dans l’ignorance de ces nouvelles normes. Souvent, ceux-ci l’apprennent à leur détriment. Aujourd’hui, et encore plus dans l’avenir, le fait de détenir une arme, et donc de chasser doit être considérée comme une tolérance de l’Etat français. Or, ce privilège sera remis en question dès le moindre écart de conduite. Il convient donc d’être le plus exemplaire possible dans sa vie quotidienne.

Aymard de la Ferté-Sénectère
Avocat Bues associé

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